Permettez-moi d’aborder cette démarche, cette thèse, cette réflexion engagée par la rencontre d’un chemin de pensée, par le récit d’une vie, par une histoire, notre histoire d’humain.
A) fin 2017, un film admirable est sorti : La Promesse de l’Aube
C’est l’histoire de l’écrivain Romain Gary. Sans compter, par un amour fou et une foi inconditionnelle, la maman donne à son fils la volonté de se dépasser, d’être un exemple pour œuvrer dans les valeurs de la vie qui élèvent l’homme à vivre avec ses semblables. Tout ceci, en construisant un humanisme du vivre ensemble et d’excellence ; se soutenir, avoir un lien de famille humaine, en tout cas envisager dans le devenir, la transcendance de l’évolution humaine par l’apprentissage d’être un homme. C’est l’amour d’une maman pour son fils à l’extrême. Elle le pilote. Plus grand, elle lui écrit de se battre pour coucher sur le papier l’essentiel de la vie, le livre qui le fera devenir homme et respecter. Ce film est émouvant, à maintes égards, c’est une mère où chaque jour qui passe est pour son fils : sa respiration, c’est le souffle qu’elle donne pour donner à son fils les ailles de l’espoir. Elle meurt et le fils est à la guerre. Par le biais d’un docteur, elle transmet chaque jour un courrier au front pour soutenir son fils, tu seras « Ecrivain » lui dit-elle. La guerre finie, le fils apprend l’histoire de sa mère. Romain Gary est devenu un grand écrivain, son livre sur l’histoire universelle a reçu un vif succès où enseignement et vision européenne des choses se marient. Charlotte Gainsbourg interprète magistralement la maman : son père Serge peut être fier de sa fille.
La Promesse d’un Paysage et la promesse de l’Aube, c’est pareil ! :
Le paysage a une matrice, la maman et il y a les semeurs (pensons aux cultivateurs, les architectes, les urbaniste, les rêveurs…etc).
Dans cette réalité le paysage se transforme et ce donne à nous, comme un livre ouvert de l’histoire de l’humanité. A nous de prendre garde à ce bien commun, précieux pour notre vie et la capacité de développement humain.
Autre exemple :
B) Fin 2018, une autre merveille de notre littérature française mise en image, c’est « Sans famille » d’Hector Malot.
C’est l’histoire d’un orphelin qui retrouve sa famille grâce à un maître .Venant de naître, il est déposé sur le parvis d’une église et est embarqué dès le départ dans une histoire gigantesque. Le petit peut faire de l’argent, et un homme de grand chemin paye la donne, un geste pour sauver le petit et le révéler à lui-même. Une histoire simple, adaptée pour le film, mais emprunt de beaucoup de générosité et de dévouement de soi vis à-vis des autres. Cet altruisme se retrouve à la fin du film où le petit Rémy devenu un homme ouvre un orphelinat pour aider les enfants en difficulté de famille.
Le secret du film est dans la berceuse qu’écrit le maître à Rémy. Cette berceuse le sauve. Grâce à cela, Rémy retrouve sa famille mais elle lui donne la voie, le chemin de sa vérité intérieure, son humanité s’articulera sur cette dimension. Cela se traduit également sur un paysage chaud des moissons où Rémy interprète cette berceuse du haut d’une colline. Le maître avait bien vu. Sa voix sublime transperce l’horizon pour devenir, en découvrant un paysage agraire où les hommes et les femmes vivent un moment d’osmose et de fraternité, un moment dans l’espace exceptionnel, une pure joie s’y distille, un instant de bonheur apparait
Cette vision est la mienne, je vous la partage car c’est le monde que j’envisage à construire dans la lignée.
Daniel Auteuil est très grand dans ce personnage, il est dans la veine d’Ugolin dans Jean de Florette et de ses graines de courgettes, qu’il appelle de « l’authentique »
La promesse d’un Paysage et Rémy, c’est pareil :
Embrasser le monde, voilà, simplement le message. Apporter sa pierre à l’édifice, initier par les compagnons de la vie ou du devoir. Rémy par sa vie est dans le paysage, il correspond à un état d’esprit qu’il transmet par un vécu et un respect de la transmission des valeurs.et des apprentissages.
Des paysages de cette force là existent : il faut les appréhender et les protéger. Ce sont des lieux de ressourcements, de vitalité, il en existe beaucoup en Wallonie lorsque le savoir vivre est à l’ouvrage.
J’ai vu ces films au quai 10 à Charleroi. Cela fait du bien de retrouver des moments forts de vie.
Autre exemple :
C) La vingt-cinquième heure, un film de 1967
Un petit village Roumain, une petite ferme avec Iohann Moritz, sa femme et ses deux enfants. Cet homme simple se voit déjouer de son destin. Enrôlé dans le travail obligatoire pendant la guerre, il quitte son havre de paix. Il travaille comme il sait le faire, il est courageux : il transporte des pierres pour construire un barrage. L’œuvre terminée, il est content, il reviendra avec sa femme montrer l’ouvrage. Dans la foulée, il est reconnu faisant partie de la race aryenne : il a des traits qui le justifient et il est engagé dans l’armée allemande. Bref, un homme où son destin est complètement modifié par l’horreur de certains hommes. Après la guerre, il revient dans son village, il arrive sur le quai de la gare et est accueilli par sa femme et quatre enfants, la guerre avait changé la donne. Un journaliste lui demande de faire une photo pour le retour au pays. Souriez, lui demande le reporter : c’est un sourire grinçant qui emballera la photo de la famille détricotée pour sa survie.
La musique en fond de cette photo est un air de mandoline et le titre s’appelle croire, étonnant !
Cela admirablement interprété par Anthony Quinn, un acteur qui vit les choses.
Ce film reflète la condition humaine, le secret, c’est la triste réalité de notre monde, sa folie. Un sens de l’histoire, une marche en avant, sans révéler l’essence profonde de nos vies. En tout cas, une vie détruite par la guerre et l’absurdité de certains.
La promesse d’un paysage est la perspective d’un avenir où l’être humain est accompagné dans le meilleur de lui-même. La qualité de vie n’est pas un vain mot, il est le témoignage d’un vécu qui porte une souffrance dépassée pour aller au bout du rêve de notre espérance et foi en demain.
Pour terminer mes exemples de cinéma, je mentionnerai l’œuvre de Jacques Tati avec « Jour de fête » et « Les vacances de monsieur Hulot », une véritable encyclopédie des comportements humains avec une sensibilité, une simplicité et une description d’une beauté extraordinaire.
D’autres œuvres pourraient défiler encore et toujours, je pense à deux pour la route : pour le théâtre et le cinéma.
La première : « Le violon sur le toit » avec le paysan et ses traditions, où celui-ci doit les amputer, faire des concessions pour maintenir une sorte d’ordre social, familial. La deuxième, pour les saltimbanques, « La route fleurie » pour l’insouciance et l’enthousiasme des relations.
Tous ces exemples donnent un ton qui se retrouve dans nos paysages. Ce sont des figures du temps présent qui reflètent les jours quotidiens. Le temps est devenu paysage (la géologie du temps)…pas nécessairement de la poésie, mais le témoignage de l’ordre des choses. La vie marque notre environnement. Les lieux sont l’histoire et la géographie des espaces rencontrés et pourquoi pas, un certain sel de la vie. Les lieux nécessitent la présence des corps. Il faut ouvrir les tentures de la maison pour qu’elle respire. Les lieux vivent également, à travers nous.
Que dire encore dans l’accomplissement d’un paysage de paix, de contemplation, de générosité ?
Certainement, pour atteindre cet objectif, il faut renouveler en permanence les gestes et parole qui mettent en évidence l’essence même de la vie.
Je pense en outre :
A la maison et au foyer ;
A la grille du jardin et au potager ;
Au repas et à son partage ;
Au travail bien fait, de l’œuvre accomplie ou à réaliser dans l’atelier, dans le paysage.
Nous développerons tous ces aspects dans un futur proche.
Néanmoins, voilà, toutes des scènes de la vie au quotidien qui créent notre terroir, nos villages, nos villes, notre berceau de vie. De véritables vaisseaux qui connectent des cellules de terre, tout cela donnent la « vivance ». En d’autres termes, la capacité d’être.
Soyons attentifs aux lieux, aux paysages de caractère, des lieux de vie intiment livrés pour construire la joie de vivre et se reconnaître dans la découverte, pas à pas dans le regard de l’autre.
Le chemin de l’Eau d’Heure, c’est la succession de lieux, de paysages où la rivière est maîtresse de son environnement. Elle se donne, elle creuse la vallée, elle a sa musicalité. C’est un écosystème important : celui-ci détermine le champ des possibles en matière de biodiversité et sa capacité de résilience vis-à-vis de comportements humains malveillants. L’Eau d’Heure a une histoire et une géographie. Ceci dit le secret de l’eau est bien gardé. Une Dame de Jamioulx, lieu de vie dans la vallée de l’Eau d’Heure, m’a certifié que des paysages du coté du Laury ressemblaient à ceux de certaines vallées de Colombie…troublant n’est-ce pas ?
Voilà une donnée importante pour appréhender le territoire avec la dimension des paysages humains.
Les mots et leurs représentations sont aussi importants. Certes, notre langue est vivante, les us et coutumes changent parfois la pertinence ou la signification du sens des mots.
Cependant le mouvement de la société étant très rapide, nous allons beaucoup trop vite : c’est comme-ci le temps était contracté et nous oblige de courir pour rester dans le train de la vie. Je vous dis cela, car tout est écosystème : le village et la ville sont des écosystèmes, respectivement, l’un est fermé et l’autre ouvert. C’est une façon intéressante de voir les choses, elle permet de donner un cadre pédagogique à notre thèse.
Nous voulons tellement préciser les choses, que les villages reçoivent les adjectifs suivants (bio, vivant, smart, beau, …). Pour les villes, elles se voient dotées de nombreux adjectifs également (nouvelle, méta, smart, d’Eau… etc). Preuve que les mots changent, et la difficulté est de comprendre le voisin de pallier qui visiblement semble avoir son propre environnement. Je lis à l’instant, dans la revue psychologies de janvier 2019, je cite : « le mot= les territoires, …., c’est ainsi que, d’euphémismes en ellipses, la réalité se dissout dans les techno=concepts et se transforme en espace de débats pour experts et techniciens. Le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie, écrit Hegel en 1817 dans la Philosophie de l’esprit. Commencer par questionner les mots qui nous sont donnés est le premier pas vers la liberté de pensée. Flavia Mazelin Salvi ».
Le train étant en marche, le paysage défile devant nous et nous percevons le déroulement de la vie. Pourquoi, le voyage nous dépayse au point de nous émouvoir, de créer un sentiment de joies et de dévoiler nos plus belles émotions. Etat, purement humain, car il nous plonge au cœur de notre affection et de notre condition humaine.
Je crois que la réponse est double et s’articule sur l’accès et la mobilité. L’accès permet d’entrer sur la place et la mobilité nous invite à jouer le rôle d’homme comme transmetteur de l’information. La rivière et son environnement cognitif nous suggère de réaliser son rêve qui est la marche de devenir humain. Le langage de l’Eau et du petit enfant que nous sommes, nous élèvent dans la capacité de suivre le chemin de l’eau pour nos acquisitions intérieures.
Le projet « Le Chemin de l’Eau d’Heure » à cette vocation d’ouvrir la marche pédestre ou de la retrouver, afin que chaque pas le long de la rivière, nous imprègne des lieux oubliés ou inaccessibles pour qu’en chemin, nous puissions faire les rencontres essentielles avec notre nature profonde.
N’hésitez-pas à me faire part de votre ressenti, de partager votre vision à cette lettre n°9, afin qu’ensemble nous puissions réinventer notre vie ou améliorer notre cadre de vie et nos perspectives d’avenir.
Bonne aventure dans les registres de la vie
Philippe Michaux, Président de l’Asbl « Le Chemin d’un Village »
Ce samedi, 16 février, l’émission des Ambassadeurs sur la RTBF, nous propose une émission sur la ville de Charleroi, par rapport au thème « Wallonie, terre d’Eau ». Je vous invite à la découvrir pour le bonheur de tous…
Le texte de cette lettre n°9 ainsi que l’image du reportage RTBF vous donneront, je l’espère, ma façon de travailler pour encourager les initiatives locales, de rencontrer un projet de vie possible afin de continuer à se surprendre au lever du jour. Tel est mon message. Bien des choses sont en attentes dans l’atelier, et si nous regardions par terre pour redécouvrir notre humus et pour le ciel, il faut attendre la prochaine pluie.